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A. Le design et les métiers d’art

Les métiers d’art se divisent en 3 grandes familles dont les frontières ne sont pas toujours très précises.

Ces familles sont l’Art, les Arts Décoratifs et le Design.

1. L’art

L’art est un moyen d’expression dont la finalité est de transmettre une émotion.

L’artiste est libre de faire ce qui lui plait en utilisant la technique et le support de son choix en fonction de son inspiration.

2. Les arts décoratifs

Les arts décoratifs regroupent les artisans d’art qui utilisent des techniques traditionnelles dans un but avant tout esthétique.

L’artisan d’art est l’unique maître d’oeuvre de sa création. Il supervise l’ensemble des étapes de sa production qui se limite généralement à de petites séries voire des pièces uniques.

Par rapport à l’artiste, l’artisan d’art a moins de liberté, son inspiration doit être compatible avec l’ensemble des contraintes techniques liées à la fonction de sa création. Un cadre doit être « beau » tout en valorisant une œuvre, mais il doit également être solide et permettre un accrochage simple.

3. Le design

Le design est la création, à partir d’un dessin, d’un projet fonctionnel en amont d’un process technique de fabrication en vue d’une production en nombres.

Le designer doit travailler en respectant les contraintes techniques liées à la fonction de sa création (une brochure, une voiture, une lampe…).

Le designer n’est pas l’unique maître d’œuvre de sa création. Il n’est qu’un des maillons d’une chaîne de production aux exigences multiples.

La part artistique d’un designer est relativement faible par rapport à l’exigence des contraintes techniques et son champ de liberté, lors de la conception, en est considérablement réduit.

Les Architectes sont des Designers. Sur la base de dessins, ils conçoivent des maisons, des immeubles qui ont des fonctions précises (maison de famille, caserne de pompiers, banque…) et qui en plus doivent, notamment, répondre aux lois de la physique pour être solides et sécurisés…

Contrairement à l’artiste qui utilise l’inspiration pour transmettre une émotion (on aime ou on n’aime pas…), le designer utilise un ensemble de techniques, appelées process, pour réaliser son concept, qui devra répondre aux attentes de sa fonction (on est efficace ou on ne l’est pas).

Le design n’est pas de l’Art.

La priorité du designer n’est pas l’aspect décoratif de sa création mais sa fonctionnalité (bien entendu, si en plus c’est beau, c’est encore mieux…).

Le Design en France

En France, le mot design est utilisé à tort comme qualificatif désignant un objet aux belles formes épurées et au prix élevé…  alors qu’en réalité, une simple vis est un objet design.

Une vis est dessinée dans le but de remplir une fonction (se visser) et de répondre aux exigences techniques pour la réalisation d’un moule qui, lui même, s’inscrit dans une chaine de montage complexe.

[cml_media_alt id='6668']AboutDesign-Illustration-Visse[/cml_media_alt]

B. Le graphic design et la communication

Communiquer c’est transmettre une information. La communication est un mot générique qui désigne l’ensemble des professions dont le but est de participer à la création et à la diffusion d’une information.

La communication regroupe de nombreux métiers souvent très spécialisés ou qui n’interviennent que ponctuellement en fonction de la nature du projet (rédacteurs, photographes, chefs de fabrication, créatifs, attachés de presse…).

A l’exception de la transmission orale, tout échange d’information nécessite un support et une mise en forme. Avant de lire un texte, nous le voyons et cette vision, sera notre première impression (positive ou négative) dont l’impact influencera fortement la lecture. Imaginez une ordonnance médicale écrite en lettres épaisses de couleur rouge sur un papier vert fluo et maculé de taches de graisse… L’aspect est donc primordial et c’est ici qu’intervient le graphic designer.

Communiquer c’est transmettre une information :

qui (annonceur) – dit quoi (message) – à qui (cible)

Une information est constituée de 2 parties : un Fond et une Forme (destinés à une Cible).

Dans l’ordre, le Marketing va déterminer l’action et la cible afin d’obtenir un retour (une information, une vente, un contact…).
Le Rédacteur va rédiger un texte en harmonie avec le sujet.
Et enfin le Graphic Designer met en forme en faisant la synthèse des informations.

o

1.

Marketing

Action & Cible

o

2.

Rédacteur

Textes

o

3.

Graphic Designer

Mise en Forme

Mais qui va prendre le temps de

lire le message ?

C’est notre cerveau qui décide, en moins de 3 secondes, s’il va lire ou non l’information. Que ce soit dans la rue ou en feuilletant un magazine ou en se promenant dans les allées d’un salon professionnel, personne ne lit toutes les informations (publicités, textes, enseignes…) qui l’entourent. Heureusement, sinon notre cerveau serait saturé.

Comme nous percevons toujours le visuel en premier, c’est la forme qui détermine si le message sera lu, puis compris par la cible. Le but n’est donc pas de « faire beau », mais d’être efficace et clair pour obtenir la réponse souhaitée au message envoyé. Le graphic designer ne fait pas de la « décoration ». Il doit créer des éléments graphiques qui permettront d’établir une communication visuelle pertinente.

C. Le graphic design, une technique

Le graphic design est un ensemble de techniques qui ne s’intéressent qu’à la mise en forme d’un message. Cette mise en forme ne doit pas être un élément d’ordre esthétique, mais technique, pour pouvoir répondre à de nombreuses contraintes. Tout d’abord le designer est en amont d’une chaîne de fabrication. Il doit donc réaliser son travail en fonction des contraintes techniques des fabricants (comme un imprimeur), mais en premier lieu il doit surtout utiliser les techniques de la communication graphique et ses codes pour pouvoir réellement concevoir une création efficace.

Le travail du graphic designer consiste à créer un support visuel (le message) en s’appuyant sur les 3 éléments de base : qui (annonceur) – dit quoi (message) – à qui (cible).

L’annonceur, le message et la cible ont chacun leurs propres codes graphiques. Le message doit donc se construire en utilisant, de manière cohérente, l’ensemble de ces codes. Un document publicitaire doit être construit en informations hiérarchiquement structurées pour obtenir une information claire et succincte concernant une offre.

Les codes graphiques

Les codes graphiques sont des codes dont nous connaissons le sens sans les avoir appris, comme une flèche qui indique une direction, la bulle d’une bande dessinée ou la plupart des panneaux routiers qui ont en plus l’avantage d’être compréhensibles dans toutes les langues.

Ces signes, ces formes sont eux-mêmes associés à des couleurs, comme le bleu pour le froid, le rouge pour le chaud et le danger ou le vert pour la permission, l’autorisation, la nature…

La couleur doit, elle aussi, être en rapport avec le message. Inconsciemment nous attachons beaucoup d’importances aux couleurs et à leur cohérence. Que penser d’une entrecôte verte, d’un corbillard rose ou d’une orange bleue… ?

La bonne utilisation et la cohérence des codes graphiques

sont fondamentaux.

Établir une liste complète de ces codes est impossible parce qu’ils sont trop nombreux et ne sont pas figés. Ils évoluent dans le temps, beaucoup sont encore à découvrir et certain disparaissent alors que d’autres émergent. Aujourd’hui, l’informatique et les réseaux sociaux en sont une source en pleine croissance…

Ces codes graphiques véhiculent beaucoup d’informations et de symboliques permettant d’ajouter un nombre considérable d’informations à un message, sans avoir à les dire ni à les écrire.

Lorsque l’on se trouve devant une page d’horoscope, notre œil recherche un seul signe du zodiaque, le nôtre. Un fois trouvé, nous lisons le texte qu’il y a en dessous et aucun autre. Le signe du zodiaque remplit sa fonction de code graphique. Il est rapidement identifiable et s’adresse à nous personnellement (chacun a son propre signe du zodiaque) pour nous dire de lire le texte joint et nous obéissons…

Le résultat n’aurait pas été le même si on avait mis : « veuillez lire ce texte » à la place du signe du zodiaque. La chose dite n’est ni lue ni entendue, elle est vue et permet ainsi une adhésion au message. Je peux douter de ce qui est dit ou écrit, mais jamais de ce qui est vu, les yeux ne mentent jamais… les magiciens le savent bien !

Le dessin ci-contre, un assemblage de quelques traits, parvient à nous transmettre un grand nombre d’informations qui nous touchent personnellement. Si on essaie d’écrire ces informations, on constate qu’aucun texte ne peut rivaliser avec l’impact et l’efficacité d’un visuel.

D. Le métier de graphic designer

Aujourd’hui, à niveau de technologie égal, c’est l’image, et uniquement l’image, qui fait la différence entre 2 produits ou 2 marques. Pourquoi j’aime telle marque plutôt qu’une autre ? Pourquoi j’achète ce produit et non pas celui là ? Nous ne comparons (réellement) jamais les produits entre eux, mais en fin de compte nous en choisissons bien un… lequel ? Celui pour lequel nous avons de l’empathie, celui qui affiche le logo de la marque que l’on aime…

Une marque est une entité qui diffuse son nom. Cela regroupe les produits et les services commerciaux mais également les institutions, les clubs de sport, les groupes politiques, les associations caritatives, les pays… qui, tous, signent leurs produits et leurs messages par leur nom, leur logo. Ce sont des marques (des annonceurs).

Pour pouvoir acquérir cette empathie et se différencier de ses concurrents, les techniques élaborées par le graphic design sont indispensables. Elles permettent de passer d’une petite communication esthétique ou décorative, souvent mise en place ponctuellement et rapidement, à une véritable politique d’identité visuelle et d’image orchestrée par le graphic designer qui en assure la cohérence.

Jean Widmer • graphic designer

En 1995, lors d’un interview (1), Jean Widmer (graphic designer) explique sa vision de la profession :

« (…) le graphisme, à partir de recherches sur la forme, la couleur, la typographie, est, en quelque sorte, l’expression du langage imagé (les codes graphiques – n.d.l.r.). Le graphiste est un créateur-concepteur, mais aussi un programmateur qui doit assimiler la complexité d’une entreprise : en matière de signalétique par exemple il ne conçoit pas seulement le graphisme, il doit également saisir l’aspect général de l’entreprise. (…) Il est difficile de parler d’objectifs d’une manière générale (pour le travail du graphiste – n.d.l.r.), si ce n’est par rapport à une cible précise et en fonction d’une situation donnée, qui couvrent les champs de : l’analyse du sujet, sa compréhension, puis la conception, la lisibilité, la qualité esthétique. Pour atteindre un objectif donné face à un problème posé, le graphiste produit un certain langage constitué de mots-clés : forme, couleur, matière, harmonie, ordre, proportions, norme, nombre, mesure, rythme, système, contrastes, texture, espace, temps… Ensuite s’appliquent des techniques directement adaptées à des problèmes précis. (…) Le graphiste intervient dans tout ce qui est relatif à la communication visuelle. Sa formation culturelle, jointe à sa formation de base, joue un rôle important : elle lui permet de s’adapter plus facilement à plusieurs domaines. (…) ce métier, très récent, est malheureusement peu connu en France : il est révélateur de constater que nous n’avons ni structure ni magazine (…) paradoxalement ce pays, à la pointe pour tout ce qui a trait aux arts plastiques, le théâtre, la littérature, n’est pas très sensibilisé au graphisme ».

Malheureusement, depuis 1995, rien n’a changé…

(1) Entretien avec Margo Rouard Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1995