Préambule
Le Branding
L’histoire du graphic design est étroitement liée à l’histoire générale du design… Mais qu’entendons nous par design ? Des objets hors de prix vendus dans des boutiques de luxe ? Non.
Le design est la création d’un projet fonctionnel en amont d’un process technique de fabrication. En d’autres termes, le design regroupe l’ensemble des métiers non artistique réalisant une création liée à une fonction. Je m’explique, l’œuvre d’art d’un artiste n’a ni fonction ni but, si ce n’est de produire une émotion alors que les réalisations du designer ont toujours une fonction ou un objectif très précis. Un architecte ne va pas construire une école comme une caserne de pompiers. Chaque bâtiments doit remplir sa fonction. Il en va de même pour les stylistes qui ne conçoivent pas de la même manière des vêtements pour alpinistes et des vêtements pour cyclistes.
Le travail du graphic designer n’échappe pas à cette règle, une simple brochure ne doit pas être belle pour le plaisir de quelques uns mais doit représenter le caractère et la philosophie de l’entreprise avec comme objectif la présentation d’une offre dans le but d’obtenir un acte spécifique.
La démarche du Graphic Designer n’est pas une nouvelle tendance artistique manipulée par des effets de modes mais une véritable démarche, une réflexion profonde qui n’a cessé d’évoluer à travers le temps et les nouvelles technologies créées par l’humanité.
En Europe, depuis le Moyen Âge, et plus récemment lors de la conquête de l’ouest en Amérique, le marquage au fer rouge s’est développé pour identifier les propriétaires des animaux comme les vaches ou les chevaux. Il devait être clair (donc simple), facilement reconnaissable et surtout lisible de loin.
Ce marquage s’appel le branding qui donnera le mot brand (marque) de la racine germanique brend/t (brûler en français). C’est l’ancêtre du logo. Si votre logo peut être utilisé pour un marquage au fer rouge, c’est qu’il permet d’identifier clairement la marque, c’est donc un vrai logo…
En moins de deux siècles, nos comportements d’achats et nos techniques de productions ont considérablement évolués. Ces changements ont fait émerger le Design pour répondre aux nouveaux besoins de la société. Son objectif a toujours été de privilégier la fonction à l’esthétisme. Si le plus beau des presse-agrumes ne remplit pas sa fonction, il cesse d’être un presse-agrumes et devient une œuvre d’art.
L’arrivée de nouvelles technologies et d’outils innovants ont toujours créés des bouleversements, des changements de fonctions, des petites révolutions. C’est ce que je vous invite à découvrir maintenant.
La Modification de l’Acte d’Achat
Au XVI° siècle avec l’essor de l’imprimerie, la fonction du livre se modifie. A cette époque les livres utilisent des caractères gothiques, de belles lettrines, des lettres ornementées, des vignettes et des illustrations de toutes sortes. Ce sont de véritables œuvres d’art que l’on expose aujourd’hui dans les musées.
Beaucoup d’imprimeurs comprennent alors qu’ils ne sont plus des marchands d’art pour une élite mais des diffuseurs d’informations. Petit à petit les manuscrits et les incunables seront remplacés par des livres plus lisibles et moins volumineux dans le seul but (commercial) de les rendre plus attractifs et moins coûteux.
C’est dans ce contexte que des typographes (fondeurs), des imprimeurs comme Claude Garamont (1499-1561), John Baskerville (1706-1775), Giambattista Bodoni (1740-1813), et plus récemment Paul Renner (1878-1956) ou Jan Tschichold (1902-1974) vont révolutionner la présentation des livres et créer les polices de caractères que nous utilisons aujourd’hui. Leur idée était de s’éloigner de la lettre artistique et du plaisir esthétique, pour ce concentrer sur la lisibilité en fonction de l’usage.
En 1851, autre époque, autre révolution, la construction du Crystal Palace à Londres marque un changement en architecture. Le bâtiment est assemblé avec des éléments préfabriqués où la décoration est inexistante. L’édifice n’a pas été conçu comme une œuvre d’art décorative mais a été pensé comme un lieu utile qui doit remplir une fonction. C’est d’ailleurs cette fonction qui en déterminera sa forme et les matériaux à utiliser, comme l’acier et le verre. Et de cette justesse émergera la beauté de l’édifice…
Quelques années plus tard, le même processus fera sortir de terre la Tour Eiffel que les gens de « l’art et du bon goût esthétique » détestèrent au plus haut point.
Typo Gothique
Typo Garamond
Typo Futura
Nous sommes au début de la production de masse. Les produits doivent être dessinés pour répondre à leur fonction d’objet mais également pour répondre aux exigences de leur fabrication (industrielle). C’est le début du design au travers des Arts Décoratifs qui, comme son nom l’indique, ne fait que décorer les produits afin de les rendre plus attrayants. Cette volonté d’esthétisme va engendrer de nouveaux mouvements artistiques réformateur comme l’Arts & Crafts ou l’Art Nouveau.
A cette époque, les boutiques vendent des produits neutres. Chez l’épicier, le client demande du café, de la moutarde ou du beurre en toute confiance parce qu’il sait que l’épicier a sélectionné tous ses produits avec le plus grand soin. Cette confiance dans le commerçant donnera naissance aux Grands Magasins et aux Enseignes.
En 1852, comme il y a de plus en plus d’objets et de produits à vendre, Aristide Boucicaut va créer le premier Grand Magasin à Paris : Le Bon Marché. C’est un concept révolutionnaire pour l’époque. Il est libre d’accès sans obligation d’achat avec des prix fixes et affichés (Boucicaut inventera également les soldes, le mois du blanc et la vente par correspondance en imprimant un catalogue.).
A cette époque, les femmes aisées ont peu de loisirs et les grands magasins vont devenir une des occupations favorites pour ces riches parisiennes accompagnées de leurs enfants. Le shopping est né !
Pour la première fois le client est Roi, il a un libre accès aux marchandises qu’il peut toucher et apprécier en déambulant librement entre les rayons où les produits sont mis en scènes pour favoriser la tentation…
Le client, devenu autonome, va choisir de lui même les produits qu’il veut consommer. Cette nouvelle approche de l’acte d’achat va considérablement modifier le commerce, les techniques de ventes et le rôle du vendeur (Qui s’amoindrira lentement avec l’arrivée des Marques.).
En 1855, autre petite révolution, Édouard VII porte pour la première fois un costume d’une même étoffe. C’est la fin des vêtements ornementés et bariolés qui subiront le même sort que les polices de caractères et l’architecture.
En 1879, Thomas Edison dépose le brevet de l’ampoule à incandescence. Le succès est immédiat et Thomas Edison fondera la General Electric qui deviendra rapidement une puissance mondiale. L’arrivée de l’électricité va non seulement apporter l’éclairage dans les foyers mais également une multitude de nouveaux produits électrifiés. Thomas Edison déposera plus de 1000 brevets…
Ornement et Crime
En ce début du XX° siècle le design est encore assimilé aux Arts Décoratifs. Les nouvelles productions sont décorées en s’inspirant de styles anciens (la Grèce antique, l’orient…).
En 1907 AEG, une entreprise allemande fabriquant des appareils électriques va se doter de la première charte graphique avec un logo immuable, faisant d’elle une des premières Marques. On doit ce travail de visionnaire à un architecte, Peter Behrens, qui par ses réalisations est un des pères fondateurs du design industriel contemporain et de la direction artistique. Mais il ne va pas seulement créer le logo AEG. Peter Behrens va également travailler sur la publicité, le design des produits, les bâtiments… et il influencera fortement ses assistants et élèves architectes comme Walter Gropius ou Ludwig Mies van der Rohe qui seront eux mêmes à l’origine de nouveaux courants artistiques (ils seront tous les deux directeur du Bauhaus.).
En 1908, Henry Ford commercialise un véhicule révolutionnaire, la Ford T. Pour la première fois une automobile est accessible au plus grand nombre grâce à la production en série. En se basant sur les études de Frederick Taylor, qui prône la division du travail afin d’obtenir un rendement maximum, Henry Ford va mettre en place des chaînes de montage ou lignes d’assemblage que Charlie Chaplin dénoncera, quelques années plus tard, dans son film Les Temps Moderne (1936).
De plus en plus d’industries, ayant besoin de main-d’oeuvre, voient le jour et provoquent un exode rural massif. La campagne est alors très pauvre et très éloignée de la modernité. Attirés par les lumières de la ville, d’anciens paysans alimenteront ce besoin grandissant de main-d’oeuvre. Une nouvelle classe sociale est née, une classe sociale de plus en plus consommatrice avec la bénédiction des industries qui ne cessent de croître… La machine est lancée !
En 1919, l’école des Art Décoratifs de Weimar (Allemagne), sous l’influence de Walter Gropius, devient le Bauhaus et sera à l’origine d’un mouvement artistique majeur qui répondra aux nouvelles exigences du XX° siècle. L’objectif de Walter Gropius est de repenser le Design en minimisant tout ce qui est purement décoratif et inutile pour se concentrer sur la fonctionnalité du produit. Pour répondre à la production de masse, Walter Gropius a comme objectifs le rationalisme, le fonctionnalisme et la standardisation. Les décorations sont alors réduites à quelques lignes géométriques qui mettent en valeur la forme de l’objet, du produit, du bâtiment… Mies van de Rohe, architecte et professeur au Bauhaus, avait comme mot d’ordre le fameux « Less is More » et « God is in the details » (Moins c’est plus et Dieu est dans les détails).
En 1920, l’architecte Le Corbusier publiera dans sa revue « L’Esprit Nouveau » un texte de l’architecte Adolph Loos qui influencera fortement l’architecture du XX° siècle et dont le titre affiche clairement les choses : « Ornament und Verbrechen » (Ornement et Crime).
En 1921, Theo van Doesburg s’installe à Weimar. Il est le fondateur, du mouvement De Stijl dont l’objectif est la destruction du « baroque » pour le remplacer par l’utilisation de couleurs et de formes « pures ». Son travail influencera profondément la philosophie du Bauhaus et principalement les ateliers d’architecture et d’imprimerie.
Sous la direction de Herbert Bayer, l’atelier d’imprimerie se spécialise alors dans la réclame publicitaire et mène des recherches dans le domaine de la typographie et de sa lisibilité. Pour Herbert Bayer : « Il faut toujours souligner la fonction d’un document publicitaire qui doit être construit en informations hiérarchiquement structurées. ».
Hans Weidenmüller, le plus grand théoricien publicitaire du moment, est également invité au Bauhaus pour donner une série de conférences sur les nouvelles théories de la publicité. Pour lui, le message publicitaire « a pour objectif de parvenir à une information claire et succincte concernant une offre. ».
En 1926, le mouvement Neues Frankfurt a comme mission la construction de logements sociaux, petits mais confortables. La répartition et la fonction des espaces y sont repensées. La cuisine est alors la pièce centrale que l’on utilise également comme salle à manger, salle de séjour et salle de bain. C’est une très grande pièce encombrée de meubles volumineux.
Le mouvement Neues Frankfurt décide de repenser totalement cette pièce. Il confie ce travail à l’architecte autrichienne Margarete Schütte-Lihotzky (ancienne assitante d’Adolph Loos à Vienne) qui, influencée par le Taylorisme, dessine la première cuisine équipée dont le concept global est basé sur une optimisation et une efficacité des tâches ménagères. Le propos n’est plus de décorer mais bien de prendre en compte la fonction. Chaque meuble est dessiné pour une fonction précise, la cuisine moderne est née. Baptisé Cuisine de Francfort, elle est la mère de nos cuisines actuelle.
La Naissance des Marques
En 1929, le New Deal est la réponse économique à la grande crise financière que traverse les États-Unis. Ce programme a comme but de relancer la consommation des ménages (même les plus défavorisés). Cette augmentation du pouvoir d’achat va donc accroitre la demande du consommateur provoquant une production de masse et une forte concurrence…
Pour lutter efficacement contre cette concurrence, de grandes compagnies comme Coca-Cola, Procter & Gamble ou General Foods mettent alors en place les règles du Marketing. Cet outil d’analyse va avoir pour objectif d’étudier et de déceler les désirs du marché avant qu’il n’en ait lui-même pris conscience !
En 1930 aux États Unis 2 grands designers vont révolutionner notre environnement. Henry Dreyfuss et Raymond Loewy vont repenser et redessiner les objets de notre quotidien.
Pour Henry Dreyfuss « il faut développer une approche pragmatique et scientifique aux problèmes de design avant de s’intéresser à l’aspect esthétique. ». Il a notamment créé le design du célèbre appareil photo Polaroid.
Raymond Loewy est lui influencé par le mouvement Arts & Crafts qui aspire à rendre les objets plus beau pour embellir notre cadre de vie. Il écrira un livre au titre évocateur : « La laideur se vend mal » (1953). Parmi ses contributions, en 1934, il design le réfrigérateur du XX° siècle, celui que nous utilisons encore aujourd’hui…
En 1933 la Gestapo place le Bauhaus sous scellés pour le motif : « esprit non allemand ». Quelques jours plus tard la direction du Bauhaus décide de dissoudre l’école.
Au milieu du XX° siècle, juste après la seconde guerre mondiale, la société se reconstruit. Des métros, des routes, des autoroutes, des lignes de chemins de fer, des aéroports, des stations services, des hôpitaux, des écoles, des stades… sortent de terre. Tout ce chaos va donner ses lettres de noblesse au Graphic Design qui va apporter de l’ordre et de la logique dans cette complexité en structurant l’espace visuel qui nous entour dans notre quotidien, comme les enseignes, la signalétique, les annonces publicitaires…
Pour se différencier les unes des autres, les compagnies affinent leur image par le design de leurs produits et la qualité de leurs annonces publicitaires. Nous assistons à la naissance des Marques !
Chez l’épicier, le client ne demande plus du café, de la moutarde ou du beurre mais il demande, ou plutôt il réclame maintenant des Marques ! L’apparition des Marques va considérablement minimiser le rôle du vendeur. Ce ne sont plus ses conseils qui donnent confiance mais son Drapeau : la Marque, l’Enseigne qu’il représente. Le vendeur est « labellisé »…
Les Marques conditionnent, conseillent et informent directement leurs clients (à la place des vendeurs) par le biais de la publicité. Autrefois, faire une annonce publicitaire de la forme et du style de son choix, suffisait pour vendre son produit. Mais dans les années 50, la donne change. Le nombre de Marques désireuses de faire de la publicité ne cesse de s’accroître et de nouveaux supports apparaissent régulièrement comme la télévision et le cinéma (en pleine expansion) ou les journaux, les magazines, les affichages publics, les mailings… Mais alors, comment sortir du lot et accroitre ses chances d’être vu et lu dans toute cette abondance de publicité ?
En 1948, Claude Shannon, ingénieur et mathématicien, publie un article fondateur, « A Mathematical Theory of Communication » (Théorie Mathématique de la Communication).
Pendant la seconde guerre mondiale, Claude Shannon travaille pour les services secrets de l’armée américaine. Sa mission consiste à décoder les messages ennemis. Pour y parvenir il focalise ses recherches sur le brouillage et développe sa théorie de l’information.
Toutes les formes de communication (l’informatique, le cinéma, la musique, la publicité…) ont le même but, la même finalité : transmettre une information. La méthode est également toujours identique, il y a tout d’abord une Source qui utilise un Émetteur lequel envoie l’information en utilisant un Canal vers le Récepteur du Destinataire. Dans toute communication le principal objectif est donc de conserver l’intégralité du message depuis la Source jusqu’au Destinataire. Pour cela il faut éliminer le Bruit (les parasites). Plus le message sera simple, clair et logique plus il aura de chance d’arriver intacte chez le Destinataire.
Schéma d’un système général de communication
Adaptons maintenant cette théorie à la publicité. Une Marque (la Source) conçoit une action promotionnelle vers de nouveaux prospects. Elle réalise pour cela un flyer (l’Émetteur) qui sera distribué dans les boîtes aux lettres (le Canal). Enfin l’information sera lu (Récepteur) par le prospect (Destinataire).
Tout ceci à l’air si simple mais la réalité est tout autre car le Bruit est partout… Tout d’abord est-ce que notre message est suffisamment clair sur notre Offre ? Et le support papier est-il le bon support ? Un spot télé aurait peut-être été préférable ? La distribution du flyer a-t-elle été bien accomplie ? Les cibles choisies sont-elles les plus pertinentes ? Pour quelle raison le Destinataire perdrait son temps à lire le flyer ? Et mon information est-elle bien compréhensible par le Destinataire ?
Les années 50 vont également voir apparaitre un nouveau phénomène de société : le tourisme, résultat de l’évolution des transports aérien.
Les distances et les coûts se réduisent donnant naissance à un nouveau concept : the global village (le début de la mondialisation).
Ce changement va être l’occasion, pour les compagnies aérienne, de communiquer vers des pays parlants des langues différentes et ayant d’autres cultures.
Ce qui est Juste est Beau
En 1953, Max Bill et Otl Aicher fondent la « Hochschule Für Gestaltung » à Ulm en Allemagne. Cette école va poursuivre le travail réalisé par le Bauhaus. À ses débuts elle compte d’anciens enseignants du Bauhaus comme Max Bill lui même ou Walter Gropius (l’ancien directeur du Bauhaus).
Max Bill considère que l’enseignement de l’art, de l’architecture et du design doit primer dans l’école d’Ulm. Pour lui, la fonction primordiale du concepteur est de modifier les objets ordinaires en « biens culturels » au nom du « bien, du beau et du pratique ». Sa conception se heurte à celle des autres enseignants comme Otl Aicher, Hans Gugelot ou Thomás Maldonado.
Pour Otl Aicher, l’art ne fait que gêner le design : « Le design moderne c’est la chose elle même. Le design est une manifestation culturelle contre l’ornementation, contre la valeur artistique […] Il y a entre l’art et le design une manière d’incompatibilité. Chacun exclut l’autre, tels l’eau et le feu. » (1)
Petit à petit l’école d’Ulm va retirer de son enseignement l’ensemble des ateliers artistiques comme la peinture ou la sculpture. Elle choisit alors de se démarquer. Les critères esthétiques ne doivent plus influencer le Design. La rupture entre l’Art et le Design est total. En 1955 Max Bill démissionne de son poste de directeur.
La nouvelle direction de l’école porte maintenant beaucoup d’importance à l’influence des signes et des symboles dans notre société. De nouveaux cours voient le jour comme les mathématiques, la sémiotique, l’analyse systémique et l’ergonomie. Pour résoudre un problème de design, les étudients sont encouragés à utiliser les mathématiques et la logique. L’objectif est d’obtenir une méthodologie de travail basée sur la technologie et la science car le Designer n’est plus un artiste isolé.
De cette école sortiront de grandes réalisations comme les pictogrammes des Jeux Olympiques de Munich, le service en porcelaine TC 100, l’image de la compagnie aérienne Lufthansa ou encore le design des produits de la firme allemande Braun (en collaboration avec Hans Gugelot et Dieter Rams).
En 1968, le parlement du Baden-Würtemberg supprime les subventions de la Hfg d’Ulm qui devient alors une sous division de l’université de Stuttgart. L’école d’Ulm ferme définitivement le 31 décembre 1968.
Malgré cette fermeture, l’école Hfg d’Ulm va lentement devenir la référence en matière de Design. Ses préceptes sont encore utilisés aujourd’hui par un grand nombre de Marques comme Apple, Ikea, Uniqlo, Nike, Starbucks Coffee, McDonald’s…
Par l’enseignement de la Hfg d’Ulm, ces entreprises sont parvenues à développer une forme de langage visuel facilement compréhensible et exprimant ce qui ne peut l’être par des mots.
Les signes et les symboles sont des codes graphiques dont nous connaissons le sens sans les avoir réellement appris, comme une flèche qui indique une direction, la bulle d’une bande dessinée ou la plupart des panneaux routiers qui ont en plus l’avantage d’être compréhensibles dans toutes les langues. Ce n’est quand 1909 qu’il fut décidé d’abandonner les panneaux de signalisation à texte pour les remplacer par des pictogrammes simple et facilement reconnaissable même à grande vitesse…
Toujours en 1972, il est demandé au designer Jean Widmer de concevoir des panneaux dont l’objectif est de rompre la monotonie des autoroutes tout en signalant le patrimoine touristique (et susciter la curiosité de l’automobiliste). Ces panneaux sont d’une simplicité extrême et utilisent un code graphique propre. Les dessins, inspiré des hiéroglyphes égyptiens sont blanc sur fond brun (pour être clairement différencié des autres panneaux routier).
Afin d’accélérer la lecture, Jean Widmer divise chaque panneaux en 2. Le premier avec le visuel et, 300 mètres plus loin, le second panneaux avec le texte. Aujourd’hui de nouveaux panneaux sont mis en place. Le texte et l’image sont rassemblés sur le même panneaux et le visuel est en nuances de couleurs avec de nombreux détails. Bilan, ces panneaux ne sont plus lisible par l’automobiliste. Le cerveau n’a pas le temps nécessaire (à plus de 100 km/h) pour comprendre le message. Il y a trop de choses à analyser, trop de textes, trop de Bruit…
La fonction première des signes et des symboles est de nous transmettre un grand nombre d’informations dans un minimum de temps. Si on essaie d’écrire ces informations, on constate qu’aucun texte ne peut rivaliser avec l’impact et l’efficacité d’un visuel. L’utilisation, de ces codes, permet d’ajouter un nombre considérable d’informations à un message, sans avoir à les dire ni à les écrire. Une information visuelle augmente l’adhésion au message. Je peux douter de ce qui est dit ou écrit, mais jamais de ce qui est vu, les yeux ne mentent jamais… les magiciens le savent bien !
Le logo Apple représentait une pomme croquée aux couleurs de l’arc en ciel. En suivant les principes de l’école d’Ulm, il va supprimer l’arc en ciel (qui n’était que décoratif) et affiner la police de caractères (typo) pour qu’elle reflète les caractéristiques de l’entreprise (moderne, high-tech, pointue, haut de gamme…). Plus tard, il affinera également le design de ses produits en s’inspirant fortement d’un des plus grand Designer de notre époque, Dieter Rams (Designer du fabricant d’appareils électroniques Braun).
Ordre, Clarté, Logique
Le Graphic Design est donc un enfant des Arts Décoratifs. Mais, au cours du temps, il s’est affiné pour devenir un mouvement à part entière en s’éloignant de l’aspect artistique. Mais pourquoi ?
Dans un premier temps ces changements se sont opérés par le biais de l’observation, de la mise en place de tests et d’analyses. Cela a permis de découvrir les approches graphiques qui fonctionnaient le mieux sans trop savoir réellement pourquoi.
Aujourd’hui, avec les progrès considérables des neurosciences, nous avons un début de réponse. En fait, toutes communications s’adressent… à des cerveaux ! Nous ne voyons pas avec nos yeux mais avec notre cerveau. Or celui-ci, quelque soit l’individu, a tendance à nous manipuler (ce qui fait toujours la joie des magiciens).
Pour économiser de l’énergie, notre cerveau utilise constamment des raccourcis dans l’analyse de son environnement. Il déteste le désordre et passe son temps à construire des réalités et à nous montrer ce que nous voulons voir, comme les visages qui apparaissent dans les nuages…
Nos yeux sont de très mauvais capteurs, bien en de ça des Smartphones bas de gamme. Ils ne parviennent à nous informer que de 5 % de ce qui se passe autour de nous… Pour combler cette déficience visuel nos yeux se déplacent constamment par saccades pour collecter un maximum d’informations. Ils commencent par analyser les contrastes, puis les lignes, les bords, les courbes, les couleurs…
Tous ces éléments arrivent ensuite au cerveau sous la forme de motifs abstraits qui serviront à construire notre réalité subjective. Durant son analyse le cerveau va également rechercher des formes connues (en les comparant avec les souvenirs) pour leur donner un sens et trouver une certaine logique.
En résumé, dans notre quotidien, notre cerveau n’a de cesse de scruter notre environnement à la recherche d’informations claires, simples, pouvant avoir rapidement un sens comme certains signes ou symboles. C’est bien pour cela que vous aimez (sous l’influence de votre cerveau) en priorité les documents clairs et facilement compréhensibles ceux qui n’ont pas de Bruits. Les grandes Marques l’ont compris et se sont dotées d’un graphisme sobre accompagné de symboles immédiatement reconnaissables à travers le monde comme leurs logos toujours d’une très grande simplicité et composés d’un minimum de traits.
L’enseignement du Hfg d’Ulm était donc juste. Le Graphic Design doit s’éloigner de l’aspect décoratif et artistique pour s’orienter vers une approche prônant l’ordre, la clarté et la logique. La beauté dépend de ce qui est juste.
Le Graphic Design est donc un outil qui permet de transmettre efficacement un message au-delà des frontières des cultures et des langues tout en prenant soin de satisfaire les besoins du cerveau humain.
Le Graphic Designer est donc un spécialiste de la mise en forme et de la transmission des messages. Sa discipline, le Branding, gère l’image des entreprises et des Marques (brand).
Otl Aicher disait « Le design transforme la philosophie technique et économique d’une entreprise en image et l’identité visuelle de l’entreprise devient par là même son caractère, déterminant sa philosophie. Le designer est le philosophe de l’entreprise, celui qui rend perceptible son identité, quelle qu’elle soit. » (2)
Toutes choses a une forme et cette forme dit ce qu’est la chose…